Misophonie et misophobie : on peut souffrir des deux

Certains sons provoquent chez vous une irritation immédiate, voire une colère difficile à contenir ? Et certaines situations sociales vous angoissent à cause de ces bruits ? Vous n’êtes pas seul. Selon Schröder et al. (2013), environ 20 % des personnes souffrant de misophonie développent une anxiété sociale secondaire, parfois proche d’une phobie. C'est pourquoi la misophonie peut s'accompagner de la misophobie, la peur irrationnelle de situations où l'on a peur de se contaminer ou d'être en contact avec la saleté.


Quand un son devient insupportable

« Le bruit de quelqu’un qui mâche du chewing-gum ou cliquette son stylo me rend folle. Je sens mon cœur s’accélérer, j’ai envie de fuir », confie Alice, 31 ans. Depuis l’adolescence, elle évite les repas en groupe et les cinémas trop bruyants.

La misophonie n’est pas une simple gêne : c’est une réaction neuro-émotionnelle disproportionnée à des sons spécifiques (mastication, toux, respiration, tapotements, clics, etc.). Ces bruits déclenchent une montée de tension immédiate, souvent associée à de la colère, de la panique ou du dégoût.

Des chercheurs de l’Université de New York (Kumar et al., 2017) ont montré que chez les personnes misophones, l’amygdale — centre cérébral des émotions — est hyperconnectée au cortex auditif. Le cerveau traite ces sons comme des menaces, provoquant une réaction de stress physiologique réelle : accélération cardiaque, sueurs, crispation musculaire.


Mieux comprendre pour mieux vivre

Reconnaître que la misophonie et la misophobie ne relèvent pas d’un simple « caprice » mais d’une réaction neurophysiologique authentique est essentiel. Les personnes concernées ne sont pas « trop sensibles » : leur cerveau réagit différemment.

Comme le résume la neuroscientifique Sukhbinder Kumar :

« Ce n’est pas le son lui-même qui est le problème, mais la manière dont le cerveau l’interprète. »


🧠 Encadré : Misophonie, hyperacousie, misophobie — comment faire la différence ?

TermeDéfinitionRéaction principaleOrigine probableExemple typique
MisophonieRéaction émotionnelle intense à certains sons spécifiques (mastication, tapotements, respiration).Colère, dégoût, tension, envie de fuir.Dysfonctionnement des circuits émotionnels. Sentiment que mon entourage m'opprime...Le bruit de quelqu’un qui mange crispe ou énerve fortement.
HyperacousieHypersensibilité physique aux sons : le volume est perçu comme excessif, parfois douloureux.Douleur, fatigue auditive, stress.Traumatisme sonore ou traumatisme psychique tout court.Le bruit d’une vaisselle ou d’une voiture est vécu comme agressif.
MisophobiePeur peur irrationnelle de situations où l'on a peur de se contaminer ou d'être en contact avec la saleté.Anxiété, évitement social, panique.Réponse anxieuse conditionnée à la misophobie.Refuser un dîner ou un lieu public par peur de se contaminer.

Ces phénomènes peuvent se chevaucher, notamment chez les personnes à haut niveau d’hypersensibilité sensorielle ou présentant un TDA et ou un TSA.


Références

  • Kumar, S., Tansley-Hancock, O., Sedley, W., Winston, J., Callaghan, M. F., Allen, M., Cope, T. E., Gander, P. E., Bamiou, D.-E., & Griffiths, T. D. (2017). The brain basis for misophonia. Current Biology, 27(4), 527–533.
  • Schröder, A., Vulink, N., & Denys, D. (2013). Misophonia: Diagnostic criteria for a new psychiatric disorder. PLoS ONE, 8(1), e54706.
  • Kochhar, P., Batty, M. J., Liddle, E. B., & Hollis, C. (2020). Sensory processing in children with attention-deficit hyperactivity disorder (ADHD): A systematic review. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 119, 289–305.