On connaît le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) pour ses symptômes classiques : inattention, agitation, impulsivité. Mais un aspect bien moins discuté perturbe fortement le quotidien des personnes concernées : l’hypersensibilité auditive.
Quand un simple bruit devient une tempête intérieure
« En classe, j’entendais tout : le crayon de mon voisin qui gratte, le froissement des feuilles, les chuchotements au fond de la salle… Impossible de me concentrer sur la voix du professeur », raconte Lila, 19 ans, étudiante en design diagnostiquée TDA/H.
Ces témoignages sont fréquents. Certains adultes décrivent une sensation de saturation en open space : le cliquetis des claviers ou la sonnerie d’un téléphone suffisent à leur faire perdre le fil d’une tâche. Pour d’autres, ce sont des sons du quotidien – la mastication, le bruit d’un sac plastique – qui déclenchent une irritabilité immédiate.
Une étude (Ghanizadeh, 2011) a montré que les enfants atteints de TDA/H rapportent bien plus de réactivité aux bruits que les enfants témoins. Kochhar et al. (2020) ont confirmé que cette hypersensibilité complique fortement l’attention et les apprentissages.
Pourquoi ce filtre cérébral fonctionne mal ?
Normalement, notre cerveau trie et filtre les sons, pour nous éviter d’être submergés par des informations inutiles. Mais chez certaines personnes avec TDA/H, ce mécanisme est déficient. Les travaux de Tsal et al. (2005) suggèrent une altération du « gating sensoriel » : la capacité à réduire la réponse à un stimulus répété.
Résultat : un bruit insignifiant pour la majorité peut rester envahissant, comme si le volume sonore intérieur ne pouvait jamais être baissé.
L’impact émotionnel : l’anxiété du vacarme
« Les restaurants, je les évite. Trop de monde, trop de bruits qui se mélangent… je repars épuisé au bout de vingt minutes », confie Julien, 34 ans, graphiste.
Williams et ses collègues (2021) ont observé que cette exposition constante aux environnements sonores intenses accentue l’anxiété et peut conduire à l’évitement social. Le bruit ne devient pas seulement une distraction, mais une menace émotionnelle.
Quelles solutions ?
Face à ce quotidien parfois épuisant, certaines stratégies permettent de mieux vivre avec cette sensibilité :
- utiliser des casques anti-bruit ou des bouchons filtrants dans les lieux publics ;
- créer des espaces plus calmes dans les écoles et les bureaux ;
- apprendre des techniques de régulation émotionnelle en thérapie cognitive ou sensorielle.
Certaines personnes trouvent aussi un mieux-être grâce aux traitements médicamenteux du TDA/H, qui semblent parfois réduire cette hyper-réactivité, mais les recherches restent encore limitées.
Changer de regard
Ces témoignages et études convergent : le TDA/H n’est pas qu’une question d’attention ou d’hyperactivité, c’est aussi un trouble de la régulation sensorielle. Reconnaître cette dimension permet d’accompagner plus justement les personnes concernées et de leur offrir des environnements qui respectent leur équilibre sensoriel.
Références
- Ghanizadeh, A. (2011). Sensory processing problems in children with ADHD, a systematic review. Journal of Attention Disorders, 15(8), 644–654.
- Kochhar, P., Batty, M. J., Liddle, E. B., & Hollis, C. (2020). Sensory processing in children with attention-deficit hyperactivity disorder (ADHD): A systematic review. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 119, 289–305.
- Tsal, Y., Shalev, L., & Mevorach, C. (2005). The diversity of attention deficits in ADHD: The prevalence of four cognitive factors. Journal of Learning Disabilities, 38(2), 142–157.
- Williams, K. L., Porter, M. A., & Langdon, R. (2021). Sensory processing and its association with anxiety in adults with ADHD. Frontiers in Psychology, 12, 675438.