Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est souvent perçu comme un problème de concentration ou de comportement. Mais un aspect moins connu affecte de nombreux patients : l’hyperacousie, une hypersensibilité pathologique aux sons. Contrairement à une simple gêne auditive, l’hyperacousie est vécue comme une douleur, une invasion sensorielle difficile à supporter.
L’oreille qui n’éteint jamais le son
« Le bruit des assiettes dans la cuisine me fait grimacer, comme si quelqu’un frottait directement sur mes nerfs », témoigne Clara, 27 ans, atteinte de TDA/H. « Je dois souvent quitter une pièce parce que c’est physiquement insupportable. »
L’hyperacousie se distingue de la sensibilité auditive fréquente dans le TDA/H : elle n’est pas seulement gênante, mais véritablement douloureuse. Les sons du quotidien – cliquetis de couverts, moteur de voiture, cris d’enfants – deviennent perçus comme agressifs, déclenchant stress, irritabilité, voire crises d’angoisse.
Des études cliniques ont montré que les enfants et adultes avec TDA/H présentent plus souvent des troubles sensoriels, dont l’hyperacousie (Ghanizadeh, 2011 ; Kochhar et al., 2020). Chez certains, elle s’accompagne aussi de misophonie, une intolérance émotionnelle à certains bruits spécifiques (comme la mastication).
Un dysfonctionnement du traitement cérébral des sons
Comment expliquer ce phénomène ? Les chercheurs soupçonnent une altération du traitement central de l’information auditive. Le cerveau, au lieu de réguler le signal entrant, amplifie certaines fréquences sonores.
Des travaux en neuroimagerie ont mis en évidence une hyperactivité de l’amygdale et du cortex auditif dans l’hyperacousie (Song et al., 2014). Or, chez les personnes avec TDA/H, on observe déjà des anomalies dans la régulation des circuits attentionnels et émotionnels. Cette combinaison pourrait expliquer pourquoi l’hyperacousie est plus fréquente dans ce trouble.
Quand l’oreille aggrave l’inattention
Un bruit douloureux n’est pas seulement un inconfort : il détourne l’attention, génère de l’anxiété et amplifie l’impulsivité. En salle de classe ou en open space, les personnes atteintes de TDA/H et d’hyperacousie doivent lutter sur deux fronts : la difficulté à maintenir leur concentration et l’effort constant pour « survivre » à un environnement sonore perçu comme hostile.
« Je peux passer toute une journée épuisée, simplement parce que j’ai été exposée à des bruits trop forts. Ma tête bourdonne, et impossible de réfléchir correctement », décrit Julien, 34 ans.
Quelles stratégies pour y faire face ?
Les solutions ne sont pas universelles, mais certaines pistes existent :
- protection auditive adaptée : bouchons d’oreille filtrants ou casques anti-bruit, pour réduire sans couper totalement les sons ;
- thérapies sonores : programmes de désensibilisation auditive utilisés aussi dans les acouphènes, qui entraînent progressivement le cerveau à tolérer davantage les bruits ;
- prise en charge psychologique : gestion du stress et de l’anxiété via thérapies cognitives ou méditation pleine conscience ;
- médication du TDA/H : certains patients rapportent une réduction indirecte de leur intolérance sensorielle, même si cela reste encore peu documenté.
Un champ de recherche à explorer
L’hyperacousie, longtemps considérée comme un trouble isolé, pourrait être un révélateur des fragilités sensorielles propres au TDA/H. Elle appelle une approche multidisciplinaire : neuropsychologique, auditive et émotionnelle.
Références
- Ghanizadeh, A. (2011). Sensory processing problems in children with ADHD, a systematic review. Journal of Attention Disorders, 15(8), 644–654.
- Kochhar, P., Batty, M. J., Liddle, E. B., & Hollis, C. (2020). Sensory processing in children with attention-deficit hyperactivity disorder (ADHD): A systematic review. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 119, 289–305.
- Song, J. J., De Ridder, D., Schlee, W., Van de Heyning, P., & Vanneste, S. (2014). Hyperacusis-associated pathological resting-state brain oscillations in the tinnitus brain: A magnetoencephalography study. JAMA Otolaryngology–Head & Neck Surgery, 140(4), 307–314.